Portrait 2
Ses lunettes à grands carreaux lui glissent sur le museau. Méticuleuse, la fillette pointe sa brindille sur le chemin des fourmis. A la queue leu leu, les insectes trilobés contournent ce bout d'herbe, reviennent, tentent de l'enfourcher, renoncent et reprennent leur parcours initial. La colonne se dirige obstinément vers la fissure dans le socle de ciment qui tient le portail.
D'autres fourmis, un peu plus grosses, trottinent aux alentours selon des chemins plus aléatoires. La fillette lâche parfois la brindille pour déplacer des pierres, brillantes et irisées, et dessiner un parcours. Les fourmis tâtent les obstacles de leurs antennes, les contournent, s'éloignent, coupent parfois la colonne qui entre dans la fissure, puis se dispersent dans les herbes qui parviennent à se faufiler au bas du mur.
Si concentrée qu'elle ne sent pas sa jambe repliée s'engourdir sous elle, la fillette accroupie sur le seuil n'a pas vu la lumière diminuer. Sur la route, les phares se sont allumés et balaient le mur, le portail, la façade. Les grandes personnes qui travaillent dans la ville voisine rentrent chez elles à la queue leu leu, elles aussi... Sa grand-mère ne va pas tarder à l'appeler depuis la porte, il est grand temps de rentrer dîner !