la nuit tombe
La nuit tombe sur le salon. Ranger, préparer, laver, nourrir. Pousser le jour à la porte. Embrouiller l’angoisse crépusculaire dans le repos du soir.
D’autres, ailleurs, loin, dans des villes dévastées, des rues incendiaires, des intérieurs fragiles hurlent leur douleur, s’étouffent de sanglots, tremblent de ne survivre à la nuit.
Nos écrans, nos journaux, nos radios nous le racontent, ils surfent de violences en révoltes tout autour du globe. Nous le savons bien tandis que nous nous nous accrochons à nos routines, nous les savons bien ces fièvres, ces chaos, ces séismes sociétaux et guerriers. Ça a du bon la routine, ça protège, ça rassure, ça repousse le malheur dans le poste. Les pendus aux grues, pas chez nous. Les alertes aux missiles, pas chez nous. Les fillettes interdites d’école, pas chez nous. Les effondrements, pas chez nous. Chez nous, ça filme, ça explique, ça témoigne, ça commente, ça dispute, ça condamne…. Ça réfléchit, ça soutient, ça accueille….
Oui, c’est dérisoire, oui, c’est parfois complaisant, mais tout vaudra toujours mieux que l’indifférence.
Les désastres jouent à saute-mouton tout autour de la planète bleue, enfin nous comprenons de à quel point nous la partageons cette satanée planète, à quel point nos curiosités, nos savoirs et nos enthousiasmes cassent le jeu, à quel point nous habitons ce monde. Reconnaitre les souffrances d’autrui, frémir des larmes retenues, suivre les hoquets du monde : dérisoires indignations dans le salon vespéral. De l’engagement y germera.