La dame aux pigeons (20231015)
Elle arrive sur la Grande Place par la rue de l’école à onze heures et demie tapantes tous les jours de l’année. Une flottille se concentre alors dans un angle de la place et se met à tourbillonner dès qu’elle lance miettes, croutons et graines. Les plus aguerris, les plus hardis, se posent sur ses épaules, sur son bras, piquent, s’envolent, reviennent.
Lorsque tout a été distribué, elle rassemble ses sacs et s’assoit sur un des bancs, habillée selon la saison, encapuchonnée dans un long manteau ou coiffée d’un large chapeau de paille. Elle se distrait des allées et venues, des parents qui arrivent pour la sortie des classes, des promeneurs de chiens, des employés qui sortent déjeuner. Aux cloches de midi, elle rentre dans ses deux pièces mansardées agrémentées d’une terrasse étroite sur une cour intérieure. Elle s’y plait, d’ailleurs elle n’a jamais essayé de déménager.
Elle suit le calendrier avec la même précision qu’elle assurait son emploi d’assistante de direction, fiable et discrète, fière, rassurée par la régularité du passage des jours. Pour les enfants de Belleville, elle est la Dame aux pigeons. Elle se dit que c’est un joli nom pour une retraitée.
frr