Poète lecteur (20231025)
Quand il marchait sur le boulevard, sur un chemin, au bord du canal, il pensait, prévoyait, humait… des mots, des odeurs, des couleurs. Parfois il ruminait en amont le texte qui mijotait, une scène vue sur le marché ou une conversation surprise déclenchaient une alerte en mémoire : il notait en son for créateur. Cela fleurirait le soir même avant le coucher ou des semaines plus tard, penché sur un thème voisin et rétif.
A force de s’intéresser au monde comme il va, il s’aperçut en rentrant de ses courses qu’aucun visage, aucune situation ne l’avait croisé ce matin-là. Il était envahi de nouvelles terrifiantes, pire de jour en jour, elles se cognaient sans arrêt dans son esprit, colonisaient ses ressources et réussissaient à attaquer à ses trésors perlés dans sa mémoire s’il n’y prenait garde.
Trop poreux aux actualités, il ne parvenait plus à retenir les mots qui le traversaient. Affolé il décida de s’infliger une cure. Il couperait les nouvelles, ne sortirait pas pendant quelques jours, se consacrerait à ses livres. La lecture serait son onguent, la bibliothèque son sanatorium. Ainsi fut lu.
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