Courses (20231113)
Madame Merle trotte d’un pas pointu, son cabas calé au coude gauche. Personne ne l’attend, mais l’heure du déjeuner approche. Le temps de ranger, de faire cuire les pommes de terre, griller le beefsteak… Il ne faut pas se laisser aller. Monsieur Merle ne rentre pas déjeuner, elle mange souvent les restes à midi, mais aujourd’hui le frigo est vide. Elle a acheté de quoi concocter le dîner et s’est prévu son repas. Comme sa mère, ses grands-mères, elle n’achète que du frais. De la salade sous plastique, du potage en litre, très peu pour elle. Elle ne sort jamais décoiffée, n’a pas passé son permis, apprécie ses journées à bichonner leur appartement et les soirées et jours de congé à deux. Des enfants, un métier, d’ailleurs elle avait un diplôme de dactylographie, elle aurait bien aimé. Elle a laissé ces envies derrière elle, l’âge et les circonstances en ont décidé autrement, inutile de se bagarrer contre l’inexorable. Elle se plait chez elle, dans son quartier, et en profite. Ce n’est pas si mal, se dit-elle en trottinant.
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